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Dimanche matin. 
J'irai à Paris.

On mourra tous un jour, en attendant, je veux vivre. Je veux aussi me rendre compte, me confronter à la réalité sans qu'elle ne soit filtrée par un média, sans l'intermédiaire d'une radio, d'une télé, d'un smartphone. Alors je dépose Liliane à sa formation et je file vers la capitale. Je passe par la Seine-Saint-Denis et sa banlieue, ses barres d'immeubles. Je n'étais jamais passé là. C'est sordide. Abandonné. Inhumain. Glauque. Je passe au pied du stade de France, un des lieux ensanglantés par la folie de quelques -uns qui prétextent un dieu, quel que soit son nom, pour prétendre agir en son nom. S'il existe, ce dont je doute, il doit se sentir bien honteux de sa création. Il doit surtout être bien sadique pour laisser ceci se produire...
Je croise peu de monde sur la route. Il est pourtant 10 heures. 
Le GPS me mène rue de Charonne. Trouver les lieux de la tuerie n'est pas compliqué, il suffit de suivre les fleurs, simples roses ou sobres bouquets, menés par la petite foule qui converge vers le point de l'horreur ultime.
Je me gare à proximité, prépare le matériel photo.
De nombreux journalistes sont là : presse, télé, de toutes nationalités. Le journaliste japonais, devant sa caméra tremble. Il n'est pas ému. Il est choqué. Hagard. Comme les badauds qui se regroupent devant le rideau de fer du bar "La Belle équipe".

 

 

 

 

L'atmosphère est lourde, pesante. Pour emprunter son célèbre oxymore à Camus, le silence est assourdissant. Et ces impacts de balles sur les murs et les vitres... L'horreur me saute aux yeux, au coeur, aux tripes. Je prends conscience de la folie meutrière, de la bestalité de ces exécutions arbitraires et aveugles.
Je suis hébété. Maintenant encore. Alors je fais des photos pour essayer de leur faire dire ce pour quoi je n'ai pas de mots.

 

Je repars. Vers le Bataclan. Abandonnant derrière moi cette communion de gens qui cherchent ici à comprendre l'incompréhensible. Ces gens qui pleurent ou qui ont le regard vide, hagard, inexpressif, triste. 

Je retourne vers ma voiture. L'air doux et le soleil de cet exceptionnel automne me font du bien.  

 

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